Depuis les attaques terroristes de vendredi dernier, tout le monde parle de guerre. Nous sommes en guerre. Je suis en guerre.
Je suis en guerre, mais pas contre les terroristes.
Vendredi 13, 129 personnes ont perdu la vie. 129 personnes qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.
Depuis octobre dernier, 271 personnes trans ont été assassinées, pour ce qu’elles étaient. Elles étaient 226 l’année dernière. D’après le projet TVT, au cours des 8 dernières années, près de 2 000 personnes trans ont été assassinées dans le monde. À ces chiffres, il faudrait ajouter celles qui se sont suicidées, et celles dont la transidentité n’a pas été mentionnée et qui n’ont donc pas pu être ajoutées à la liste des personnes commémorées le 20 novembre pour le T-DoR.
Nous, trans, queers, faisons l’objet de campagnes de harcèlement, d’assassinats, et globalement de négation de nos identités et de privation de nos droits partout dans le monde. La manif pour tous et la monté de violences contre nos communautés qu’elle a engendrée en France au cours des dernières années m’inquiètent bien plus que des attaques terroristes potentielles.
Hier, mercredi 25 novembre, a eu lieu la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes. D’après l’ONU, « 1 femme sur 3 dans le monde est victime de violence physique ou sexuelle. La plupart de ces actes sont commis par son partenaire intime. »
Combien faudra-t-il de morts liés à nos intolérances, à nos phobies, à nos racismes, à notre inaction pour que nous ayons peur de nous-mêmes et de ce que nous devenons ? Quand comprendrons-nous que les attaques du 13 novembre, aussi impressionnantes soient-elles, ne sont rien en comparaisons à ce que nous nous infligeons à nous mêmes entre gens gentils et pas terroristes ?
L’état d’urgence est déclaré, la guerre est partout, parce que ces attaques ont touché des blancs, des hommes, des hétéros, des riches, des éduqués. Parce que des gens qui n’ont jamais eu peur des discriminations et des agressions ont eu peur et ils ont décidé d’appliquer cette peur à tout le monde. Où étaient l’état d’urgence et le renforcement de la sécurité quand il s’agissait seulement de nos vies ? Nulle part. Parce qu’il s’agit de leur sécurité contre nos libertés. Et parce qu’ils n’abandonneront pas leurs libertés et leurs privilèges pour notre sécurité.
Je n’ai pas peur des terroristes. J’ai peur de nous, de notre société, des cathos-fachos, des mecs cis-hétéros-blancs-valides-privilégiés. J’ai peur parce que nous sommes incapables de nous remettre en question et de voir que nous sommes plus violents qu’eux.